7 Février 2025
Dans le vaste procès en sorcellerie de la vie chère, revient souvent une accusation absurde : la grande distribution utiliserait les contraintes de sa chaîne logistique pour “s’enrichir” à chaque maillon. Autrement dit, ces méchants profiteurs considèreraient comme une aubaine de profitation chacune des 14 étapes qui s’imposent à eux. Ah, démagogie, quand tu nous tiens ! Après les mensonges des monopoles (voir ici) et des marges exorbitantes (voir ici), voici celui de l’intégration verticale. Encore une contre-vérité qu’il convient de démonter en séparant les faits des émotions :
Tout observateur honnête et pragmatique peut comprendre que l’acheminement de produits à plusieurs milliers de kilomètres de leur lieu de production nécessite une logistique rigoureuse et coûteuse. Ce n’est pas une vue de l’esprit, c’est un fait.
Le coût d’acheminement d’un conteneur de 40 pieds vers les Antilles atteint 5 900 euros. Ce chiffre inclut :
Ces éléments démontrent clairement que la part du coût logistique dans le prix final des produits est inévitablement élevée. Accuser les groupes de distribution de gonfler artificiellement les prix sans prendre en compte ces facteurs relève soit de la méconnaissance, soit de la mauvaise foi.
On reproche aux groupes de distribution de pratiquer des marges abusives à travers un système opaque de prestations logistiques accumulées. Pourtant, il est avéré que ces entreprises ne contrôlent qu’une partie de la chaîne logistique : GBH, SAFO, Parfait et Créo ne détiennent qu’au maximum 6 étapes sur les 14 que comprend le processus d’acheminement, tandis que les plus petits acteurs n’en maîtrisent que trois. Et contrairement aux affirmations démagogiques, si les distributeurs tentent d'intégrer une partie de ces étapes, ce n'est pas pour générer de la marge, mais c'est bien pour générer des économies.
Ajoutons que les services de contrôle de l’État ont déjà confirmé que les marges pratiquées en Outre-mer sont comparables à celles de l’Hexagone. Où est donc cette supposée « opacité » ?
Dès lors, pourquoi désigner les distributeurs comme les boucs émissaires de la vie chère, alors même qu’ils tentent d'optimiser leurs circuits pour limiter les coûts et non pour les amplifier ? N’oublions pas qu’ils ne sont propriétaires ni des navires, ni des infrastructures portuaires, ni des équipements portuaires, ni des taxes douanières qui viennent alourdir les factures des consommateurs.
La vie chère aux Antilles ne peut être analysée en vase clos, en faisant abstraction de la situation économique mondiale. Le pouvoir d’achat des Français est sous pression en raison de plusieurs facteurs :
Ce contexte global nourrit une véritable crise sociale, accentuée par un sentiment de paupérisation croissant et des défaillances chroniques de nos services publics. Ce sont ces causes profondes qu’il faut analyser et traiter, plutôt que de se focaliser sur des accusations simplistes contre les distributeurs.
Dans ce climat de défiance, le rapport Hajjar a été brandi comme une preuve irréfutable des dérives du système de distribution aux Antilles. Or, ce document est loin de faire l’unanimité : partisan, incomplet, à charge, il n’a même pas été signé par le président de la commission, fait rarissime qui interroge sur sa crédibilité. Les comptes transmis par les distributeurs n’ont même pas été étudiés ni intégrés, faute de temps et de compétences. Peut-on vraiment se fier à un rapport aussi bâclé pour accuser des entreprises qui, en réalité, jouent un rôle crucial dans l’approvisionnement des territoires ultramarins ?
"Certaines personnes considèrent l'entreprise comme un fauve à abattre. D'autres y voient une vache à lait. Seule une poignée voit ce qu'elle est réellement : le cheval volontaire qui tire la charrette." (Winston Churchill)
Il est trop facile de céder à la démagogie en désignant des coupables idéaux. Ce raccourci, bien que séduisant, est trompeur et ne résout en rien la problématique de la vie chère. La réalité est plus complexe, et elle impose une analyse rigoureuse des facteurs structurels et conjoncturels qui pèsent sur les prix en Outre-mer.
L’acharnement que subissent les acteurs de la grande distribution et en particulier le groupe GBH est d’une telle intensité et d’une telle mauvaise foi, que l’on se demande s’il ne sert pas des intérêts occultes, soit d’ordre économique, soit d’ordre politique. Que certains élus martiniquais participent ainsi au lynchage d’un fleuron martiniquais est bien le signe d’une névrose suicidaire.
Plutôt que de vilipender les distributeurs, ne serait-il pas plus pertinent d’exiger des tarifs export plus avantageux, une baisse des coûts de fret maritime, une rationalisation des frais portuaires ou encore un rééquilibrage fiscal en faveur des consommateurs ? Voilà de vraies pistes de réflexion pour un débat sérieux et constructif. Et quand la critique provient des tréteaux parisiens, émus de l’inégalité flagrante qui sépare l’hexagone de d’Outre-mer, ne feraient-ils pas mieux de défendre le grand principe de continuité territorial, le seul qui puisse engager la République sur ses deux dernières promesses fondamentales : l’égalité et la fraternité.
En attendant, laissons de côté une nouvelle fois les procès d’intention et refusons les discours populistes qui, sous couvert de défendre les Martiniquais, ne font que détourner l’attention des véritables enjeux économiques.