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Laisse-moi te dire

Non, ce n’est pas la grande distribution qui “étouffe” la Martinique !

Oui, les prix sont élevés. Non, les marges ne sont pas abusives.

La question de la vie chère est une réalité qui pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des Martiniquais. Elle résulte de mille facteurs, de mille contraintes. Pourtant, dans le débat public, une seule cible revient sans cesse : la grande distribution (et en particulier le Groupe GBH). Accusée de pratiquer des marges exorbitantes et de spolier les consommateurs, elle est devenue le bouc émissaire idéal d'un discours populiste qui ne résiste pourtant pas à l'examen des faits. Même si certains s’obstinent à confondre opinion et réalité, sortons des caricatures et remettons les chiffres au cœur du débat.

Des marges conformes aux standards nationaux

Contrairement à une idée reçue, les marges des distributeurs en Martinique ne sont pas excessives. Lors des tables rondes sur la vie chère d’octobre 2024, il a été confirmé que la marge moyenne de la grande distribution est de 24 %. En comparaison, en France hexagonale, cette marge est de 22,9 % selon l'INSEE. Un écart marginal qui s'explique aisément par des contraintes logistiques et structurelles propres à l'île.

Les contraintes spécifiques à la Martinique

L'éloignement géographique a un impact direct sur l'organisation des stocks et la logistique. Un magasin de 6 000 m² dans l'Hexagone requiert 1 500 m² de stockage, alors qu'en Martinique, ce besoin grimpe à 8 000 m². Une différence majeure qui s'explique par l'impératif de maintenir des réserves plus importantes pour éviter les ruptures d'approvisionnement. À cela s'ajoute le coût de la construction, nettement plus élevé en raison des normes anticycloniques et antisismiques.

Autre élément crucial : les bénéfices nets des enseignes de grande distribution en Martinique sont en moyenne de 1 à 2 %, marges arrières incluses. Un chiffre loin des allégations de profits indécents souvent relayées.

L’Autorité de la concurrence a tranché

L'Autorité de la concurrence a mené deux enquêtes approfondies en 2009 et 2019. Aucune d'entre elles n'a mis en évidence des marges abusives (source ici). Le véritable problème identifié est d'ordre structurel : l'insularité, les contraintes logistiques et fiscales, ainsi que la spécificité du marché foncier.

Les prix des produits de première nécessité : le poids de transport et de la fiscalité

Pourquoi certains produits affichent-ils des écarts de prix impressionnants entre la Martinique et l'Hexagone ? Le coût du fret est un facteur déterminant. Prenons l'exemple d'un conteneur d'eau minérale : son transport coûte 5 900€ alors que la valeur de la marchandise qu'il contient est de seulement 3 000€. Résultat : un poids du transport disproportionné sur le prix final. De plus, l’octroi de mer, calculé sur la valeur de la marchandise et son transport, peut dépasser les 20 % pour des produits ayant un concurrent local.

L'affaire du "pack d'eau à 14€" relayée par certains médias est emblématique des fausses polémiques. Certes, des marques comme Hépar atteignent des prix élevés, mais des alternatives locales de qualité comparable existent entre 3,15€ et 3,89€ par pack. La Martinique ne fait que reproduire une logique valable ailleurs : une bouteille d'eau importée du Japon serait également très onéreuse à Paris.

L’exemple de la banane : une fausse comparaison

La banane martiniquaise est vendue à l'export à 1,89€/kg et à 1,39€/kg en Martinique. Certes, on trouve en France continentale des bananes à 0,99€/kg, mais celles-ci proviennent d'Afrique ou d'Amérique du Sud, bénéficiant de coûts de production plus bas et de réglementations moins contraignantes.

Arrêter la démagogie, poser les vraies questions

Plutôt que de pointer du doigt les seuls distributeurs, plutôt que de clouer au pilori un groupe martiniquais qui a eu la mauvaise idée de croire en l'excellence, d'investir dans son pays et de créer des emplois locaux, la réflexion devrait porter sur des solutions structurelles : Comment compenser les handicaps insulaires ? Comment réduire le coût du fret ? Comment adapter la fiscalité pour mieux protéger les consommateurs ? Comment développer davantage la production locale pour réduire la dépendance aux importations ? Comment doper la rentabilité des entreprises privées ? Comment optimiser les services publics (transport en commun, traitement des déchets, gestion de l'eau, retards administratifs, délais de paiement, gestion des fonds européens...) dont chaque carence est un facteur de coût supplémentaire.

La démagogie facile consistant à accuser la grande distribution d'entretenir la vie chère ne fait que masquer les véritables enjeux. Ce ne sont pas les commerçants qui “étouffent” la Martinique. Ce sont les contraintes structurelles d’une île aggravées par les clivages idéologiques d’un autre temps. Si la Martinique veut vraiment agir sur les prix, c'est bien au niveau des infrastructures, de la fiscalité et du transport maritime qu’elle doit porter ses efforts. C’est sur le rétablissement de la compétitivité de ses entreprises qu’elle doit insister. C'est sur l'amélioration de ses services publics qu'elle dois se pencher. À moins que la France décide enfin d’assumer son devoir d’égalité en instituant un vrai dispositif de continuité territoriale, ou alors qu'elle nous aide à compenser nos handicaps en instaurant une zone franche sociale sur tout le territoire.

Il est temps de cesser les raccourcis populistes et de travailler sur des solutions réalistes et efficaces.

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S
22.9% de marge base 100 vs 24% de marge base 140, ça fait +46% de marge au final, c’est loin d’etre marginal
Répondre
S
Emmanuel c’est un calcul de variation, <br /> il manque un parametre essentiel dans votre demonstartion, la base<br /> Il est convenu que les prix pratiqués en Martinique sont 40% plus cher ce qui signifie que pour le meme caddie avec les memes articles dans l’hexagone vous payez 100€ avec 22.9% de marge, soit 22.9€ et en martinique vous payez 140€ avec 24% de marge, soir 33.6€,<br /> la variation entre 22.9 et 33.6 est bien de 46.72% soit une marge quasiement 1.5x plus elevé !<br /> pour etre identique en valeure à un caddie de metropôle à 22.9% de marge,<br /> la meme enseigne en Martinique avec le meme caddie et les memes articles devrzit pratiquer une marge de 16.35%
E
Heuu… entre un produit qui pratique 23% de marge et un autre qui pratique 24% de marge, vous trouvez un écart de 46% ??? Va falloir m’expliquer.