Idées, projets, vision... pour faire bouger le pays, les gens et les marques en Martinique et ailleurs...
24 Juillet 2023
Après plusieurs mois de travail, la commission d’enquête sur le coût de la vie en Outre-mer vient de rendre ses conclusions et propose 68 pistes de solution. Les auditions furent nombreuses, et, pour la plupart, de grande qualité. Elles ont permis d’espérer que la question soit enfin abordée sous un angle pragmatique, et non sous l’angle idéologique qui prédominait jusque-là.
Ainsi, a-t-on pu comprendre les raisons objectives qui expliquent les écarts réels de prix entre l’hexagone et les Outre-mer, des écarts qui vont de 9% à 16% selon les territoires, et qui s’amplifient sur les produits alimentaires.
En voici les raisons principales :
Je me rappelle être né (il n’y a pas si longtemps) dans une Martinique où les grandes surfaces alimentaires n’existaient pas encore. A cette époque, nous étions incapables d’acheter régulièrement du beurre, tant cette denrée coûtait cher. On se rabattait sur de la margarine. La viande du boucher n’était pas accessible au porte-monnaie ; on devait attendre que le cochon du voisin soit tué, qu’un bœuf du quartier soit dépecé, ou que les filets de pêche soient relevés. Nos en-cas se limitaient à un quignon de pain, souvent rassis, beurré de confiture, parfois fourré d’un bâton de caco. A cette époque, nos placards n’étaient pas garnis comme aujourd’hui de paquets de biscuits, de céréales de petit-déjeuner, de barres chocolatées, encore moins de Coca-Cola ou d’Orangina, qui étaient alors des boissons d’exception. La vie de mon enfance était bien plus chère qu’aujourd’hui. Elle offrait mille fois moins de choix que maintenant. C’était le temps des lolos, des marchés, des voisins et des jardins. Le temps de la sobriété naturelle. Je fais partie de ceux qui ont vu fleurir les premiers hypermarchés de Martinique, et je me réjouis du pouvoir d’achat qu’ils m’ont brusquement apporté.
En faire aujourd’hui les seuls boucs émissaires de la vie chère est non seulement injuste, mais malhonnête. Ils sont en vérité les premiers libérateurs des consommateurs, malgré parfois des effets pervers.
Mais ils contribuent aussi à nous frustrer en démultipliant nos envies, au point qu’on leur reproche maintenant d’être incapables de satisfaire tous les besoins qu’ils stimulent en nous. Ils rivalisent de promotions pour nous convaincre, de dépliants accrocheurs, de publicités agressives, car ils sont au cœur d’une compétition féroce.
Dès lors, lutter contre la vie chère en faisant rendre gorge aux acteurs de la grande distribution relève plus de la démagogie et de la bêtise économique, que du bon sens pragmatique. C’est un travers dans lequel ne doivent pas tomber nos parlementaires. Bloquer les prix et contraindre autoritairement les marges tout en augmentant massivement les salaires est à cet égard révélateur d’une absence complète de culture économique. C’est l’exemple même de la fausse bonne idée qui conduirait immanquablement à la faillite du système global de distribution. L’histoire ne manque pas d’exemples où ce type de recettes s’est toujours avéré désastreux !
Des solutions concrètes pour lutter contre la vie chère ont pourtant été proposées par de très nombreux intervenants lors de l’enquête parlementaire, notamment pour ce qui concerne le prix des marchandises.
Mais la lutte contre la vie chère passe aussi par le redressement des revenus disponibles des consommateurs. Cette mesure pourrait se faire dans le cadre de la zone franche sociale portée par Max Orville et que les acteurs économiques locaux appellent de leurs vœux. Il s’agit très concrètement d’exonérer les salaires du secteur privé de toutes leurs charges sociales et patronales, afin que désormais le revenu brut soit égal au revenu net. Une mesure qui à elle-seule aurait plus d’impact positif que toutes celles du CIOM réunies !
Ce ne sont donc pas les idées qui manquent pour améliorer le pouvoir d’achat des populations d’Outre-mer. Des idées qui doivent mobiliser l’ensemble des acteurs qui participent à la longue chaine des prix : du fournisseur au distributeur en passant par le transporteur et le taxeur fiscal. De tous, sans exclusive.
Emmanuel de Reynal