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18 Octobre 2024
Ça y est ! Après six semaines de tensions extrêmes, un protocole d’objectifs et de moyens pour lutter contre la vie chère est enfin signé. Ce protocole engage l’État, la collectivité territoriale de Martinique, les métiers logistiques, les grossistes et les distributeurs. Tous ont mutualisé leurs efforts pour parvenir à baisser d’environ 20% les prix de plus de 6.000 produits de grande consommation. C’est une avancée considérable, conforme aux propositions formulées depuis 10 ans par les acteurs de la grande distribution, propositions qu’ils avaient exprimées en termes identiques lors de l’enquête parlementaire conduite en 2023 par le député Johnny Hajjar.
Mais si cette victoire est majeure, elle a un goût amer, car elle révèle nos propres faiblesses.
Depuis des années, les acteurs économiques, conscients des difficultés de la population exposée à la réalité de la vie chère, prêchent leurs solutions dans le désert en appelant à la mobilisation de tous les maillons de la chaîne des prix. Il a fallu la pression externe d’un mouvement contestataire pour qu’enfin, État, collectivités, élus, et acteurs économiques s’assoient autour d’une table pour discuter. C’est dire notre impuissance à fonctionner collectivement par temps de paix. C’est dire les frontières qui nous séparent et qui nous empêchent de travailler ensemble. C’est dire l’incapacité du monde politique et du monde économique à se faire confiance, à se parler et à construire main dans la main. Si le RPPRAC a eu une vertu, c’est de mettre le doigt sur notre médiocrité collective, celle-là même qui nous écarte et qui nous divise, alors que nous serions si forts à nous entendre pour co construire notre avenir commun, État, élus et entreprises. Dans n’importe quel autre pays du monde existent des passerelles ouvertes et confiantes entre les mondes politique et économique. Mais chez nous, ces deux mondes se regardent en chien de faïence, et dans leur immobilité respective, laissent prospérer le poison populiste qui menace d’emporter toute notre société.
Cette victoire est amère également pour le coût astronomique des effets du mouvement : des centaines d’entreprises pillées, saccagées, brûlées, des milliers d’emplois détruits et menacés, des assureurs qui renoncent, des centaines d’heures d’école perdues, des milliers d’hommes et de femmes tétanisés par les menaces, les outrances et les violences, des esprits sidérés par l’expression libérée du racisme, des peurs de rester, des envies de partir, des confiances brisées…
Il avait fallu pas moins de 10 ans pour effacer les effets économiques désastreux de 2009. Combien d’années faudra-t-il pour réparer les effets de 2024 ? Sans doute autant, à condition que nos entrepreneurs restent au pays et y croient encore. A condition qu’ils aillent chercher au fond d’eux-mêmes toutes leurs ressources de résilience. A condition aussi que cesse cette stupide méfiance politique qui les prive d’un précieux carburant : celui de l’encouragement et de la confiance. A condition enfin qu’ensemble, nous nous accordions sur une stratégie durable – la zone franche sociale ? - pour redonner espoir aux Martiniquais.
Il nous faut une révolution de résilience afin de sortir la Martinique de son déclin, et cette révolution suppose que changent en profondeur les rapports entre élus et chefs d’entreprises. Elle suppose aussi que changent les relations entre les communautés martiniquaises qui doivent enfin s’appuyer résolument sur ce qui les rassemble plutôt que sur ce qui les divise. Bernard Hayot et Aimé Césaire avaient courageusement ouvert la voie en 2001 en plantant le Courbaril à l’Habitation Clément. Puisse cet immense message de refondation inspirer à nouveau tous les esprits de Martinique, et nous remettre sur le chemin de la reconstruction. Ensemble, rebâtir !