Quand Livie Pierre-Charles se laisse émouvoir par Ti-Prince...

Emmanuel de REYNAL, n’arrête pas, comme dans ses récents ouvrages (UBUNTU, RECTA LINEA, UNE MINUTE), de nous surprendre, voire de nous émerveiller à partir de la description d’une vie toute simple, celle de tous les jours aux prises avec le malheur, mais aussi baignant dans une atmosphère faite de bonté, de sérénité, de compréhension mutuelle et d’affection.

Le récit que nous propose TI-PRINCE restitue le vécu d’un tout jeune enfant arrivé au monde, affecté d’une infirmité appelée TRISOMIE 21. Il tire de cette infirmité non seulement un physique peu avenant, mais aussi des capacités réduites, comparativement à celles qu’affichent ses frères et sœurs, ainsi que les autres enfants de son âge.

Survenant dans la famille, ce handicap agit à la manière d’un coup terrible du sort, une stupeur en quelque sorte qui, réflexion faite, a le mérite de déclencher un grand élan d’affection en faveur de ce petit être. Cette affection intense, vient de tout le monde : parents, amis, domestiques, frères et sœurs, voisins etc. L’on assiste ainsi à un déferlement d’amour qui crée chez le jeune handicapé audace, assurance, joie de vivre, désir d’apprendre et de se former dans son institution spécialisée, le Hameau des Anges, mu par l’irrépressible désir de devenir comme les autres enfants.

Mais hélas, ce bel espoir est vite déçu.

Le handicap reprend le dessus et signe la fin de cette jeune existence.

La mort est là, présente, impitoyable.

Comment alors réagissent la famille ainsi que tous les réseaux d’affection que son handicap avait suscités ?

Par une immense tristesse bien sûr, mais passée peu après au second plan, par l’évocation de toutes les formes d’AMOUR qu’on lui a prodiguées : attention, affection, compréhension, gentillesse etc. Autant d’éléments entrant dans la composition de l’AMOUR, et aisément transférables à une société, la nôtre en particulier. L’AMOUR apparaissant alors comme une thérapie individuelle et sociétale.

Ainsi, assistons-nous, sous la plume de l’auteur, à une bifurcation de son récit.

Partie d’un micro-milieu, sa réflexion atteint les rivages d’une société plus large où cohabitent et s’affrontent parfois les différences. Celles-ci devraient s’effacer au profit de facteurs positifs existant déjà et révélés à l’occasion d’un deuil par exemple.

Ainsi se trouve posé, sur le plan philosophique le traitement de l’altérité en ce début de 21ème siècle ou, dit plus simplement, comment vivre harmonieusement avec l’autre : problème abordé avec lucidité, et officiellement réglé au milieu du 19ème siècle.

Autre question, tout aussi fondamentale.

Quels traitements apportons-nous aujourd’hui aux différents types de différences qui s’affichent dans notre société Martiniquaise ? Problème abordé dans un langage simple, émaillé quelques fois d’images poétiques du style « je m’endormais sous les caresses du vent qui faisait danser les rideaux de la fenêtre ouverte », phrase qui donne à constater que cet ouvrage de 113 pages, tire son origine d’un problème familial posé pour aboutir à un problème sociétal qui implicitement milite en faveur de l’acceptation de l’autre avec ses différences.

Livie PIERRE CHARLES, mai 2023

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