Quand SciencesPo inaugure sa Chaire Outre-Mer...

La Chaire Outre-Mer de SciencesPo a ouvert sa conférence inaugurale ce jeudi 8 juillet 2021, lors d’une matinée intitulée "TROIS HEURES POUR CHANGER DE REGARD SUR LES OUTRE-MER".

La cérémonie s’est déroulée en présence des ministres des Outre-Mer et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Sébastien LECORNU et Frédérique VIDAL. Ils sont intervenus aux côtés de l'administratrice provisoire de SciencesPo, Bénédicte DURAND, et du titulaire de la Chaire, Martial FOUCAULT.

Un vaste public d'ultramarins était réuni dans l'amphithéâtre de SciencesPo, parmi lesquels des représentants de la plupart des territoires d'Outre-Mer, à l'exception notoire de la Martinique.

Une table-ronde de haut niveau, autour de Sophie BROCAS, Directrice générale des Outre-Mer et Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN, professeur de droit public à l’Université de Bordeaux, a été consacrée à la présentation des principaux axes de recherche de la Chaire. Elle a donné lieu à des échanges passionnants :

Rappelons que les Outre-Mer représentent 97% de la zone exclusive française. C’est la 1ère zone maritime mondiale qui concentre des richesses exceptionnelles : 80% de la biodiversité française, 10% des récifs coralliens mondiaux, 53 langues régionales reconnues, des histoires riches et singulières… Des atouts dont les français sont encore trop nombreux à ne pas être conscients.

Avec tous ces territoires, la France - et donc l’Europe - est présente sur les trois océans, aux avant-postes de l’Amérique, de l’Afrique et de l’Australie. Les Outre-Mer français sont naturellement le porte-étendard de l’Europe sur le reste du monde, mais la technostructure européenne de Bruxelles n’en a pas vraiment conscience. Elle ne voit encore dans ces confettis que des résidus coloniaux... La France et l’Europe souffrent en effet d’un défaut majeur de culture d’Outre-Mer, une culture qui pourtant est intimement imbriquée dans celles du continent, et plus largement dans celles du monde. La Chaire devra combler ce vide et contribuer à changer les regards.

Les intervenants se sont également exprimés sur les effets locaux de la crise Covid. Une crise qui a révélé l’extraordinaire dépendance des Outre-Mer vis-à-vis de l’hexagone : au-delà des contraintes individuelles, la rupture des liaisons aériennes et maritimes a créé des tensions majeures sur les marchandises, mettant les populations en risque alimentaire et sanitaire… "Quand il n'y plus d'avion, il n'y a plus de poussin d'un jour, et donc au bout de 3 mois, il n'y a plus de poulets".

La crise a renforcé le sentiment d’isolement des Outre-Mer, et a affecté la santé mentale et psychosociale des populations, tout en révélant la formidable capacité de résilience des entreprises locales. Comment seront ces territoires demain ? Reviendront-ils dans le monde frénétique d’avant, ou sauront-ils s’affranchir de la dépendance extérieure en renforçant leur autonomie énergétique, et leur autosuffisance alimentaire ?

Avec ses Outre-Mer, la France est un pays plastique, bien moins jacobin qu'il n'y parait. Elle porte en elle une diversité exceptionnelle qui l’oblige à s’adapter continuellement. Tous les territoires ultramarins sont traversés par une double contradiction : le besoin d’affirmer les particularités et les identités locales, tout en affichant un désir de France.

Enfin, un troisième temps d’échange consacré aux attentes de la jeunesse ultramarine s’est tenu en association avec Sciences Ô, l’association des étudiants ultramarins de SciencesPo.

A la rentrée de septembre 2021, les étudiants pourront assister aux cours dispensés par la première chaire universitaire de France et d’Europe dédiée aux Outre-Mer. À la fois chaire de recherche et d’enseignement, la Chaire Outre-Mer se fixe comme objectif d’enrichir l’offre de formation à SciencesPo même, mais aussi dans les territoires ultramarins. Elle renforcera les liens entre l'institution centrale et les lycées CEP situés Outre-Mer. Elle contribuera enfin à changer les regards sur les territoires d’Outre-Mer.

Cette nouvelle Chaire vise à appréhender les territoires et les politiques ultramarines autour de six axes.

1. Institutions et Faits politiques : Etude de la place des Outre-Mers dans la compréhension des comportements politiques, analyse des évolutions institutionnelles, évaluation de politiques publiques et confiance.
2. Citoyenneté et Cultures : Étude des systèmes de valeurs Outre-Mer, de la diversité linguistique, religieuse et ethnique, du rapport à la citoyenneté et aux notions de souveraineté, d’autonomie et d’indépendance.
3. Cohésion sociale et territoriale : Étude des spécificités ultramarines en termes de cohésion sociale, pauvreté, chômage, décrochage scolaire, natalité, jeunesse, vieillissement, logement, vie chère et migrations.
4. Géopolitique & Intégrations régionales : Étude des rivalités et opportunités locales, des enjeux de sécurité traditionnels/non-traditionnels, de la diplomatie scientifique et comparaisons entre Outre-Mers français, européens et hors-U.E.
5. Transitions écologiques : Étude des potentiels d’éco-développement des Outre-Mers, des verrous inhérents, des politiques d’exploitation de ressources, d’indépendance énergétique et de valorisation de la biodiversité.
6. Trajectoires économiques : Étude des politiques de développement économique Outre-Mer, quantification des potentiels de croissance endogène, d’innovation, cartographie des risques et des verrous inhérents.

Elle est une formidable opportunité pour les collectivités locales et les acteurs publics qui pourront y trouver un appui dans leurs processus de réflexion, de définition et d'évaluation de leurs politiques publiques.

Elle constitue également une chance pour les acteurs privés et associatifs des territoires ultramarins qui y trouveront une ressource en matière de confrontation d'idées, d'études prospectives, de développement de marque employeur, d'ouverture sociale ou encore de soutien à l'innovation publique et à l'entrepreneuriat.

La Chaire Outre-Mer de SciencesPo est une opportunité majeure pour nos territoires. Saurons-nous la saisir ?