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Laisse-moi te dire

Quand Je pense à mon père...

Quand Je pense à mon père...

Profitant de ce jour de fête des pères, voici un extrait d'Ubuntu consacré à Hippolyte, mon père parti bien trop tôt, et que je n'ai pas eu la chance de bien connaître. Je n'avais que cinq ans ce jour-là...

Je suis Hippolyte. J’ai parfois du mal avec mon prochain : quand il souffre il me fait souffrir. Et pourtant je vis de ses souffrances.

J’ouvre mon cabinet médical à Saint-Pierre en 1940. Nombreux sont les habitants du nord qui viennent s’y faire soigner. Nombreux sont ceux que je vais visiter dans les campagnes. Des pauvres gens, souvent sans le sou, jamais sans cœur. Combien de paniers de fruits, de gros légumes, d’œufs, de poulets, de bouteilles de miel, combien de victuailles ai-je reçu en contrepartie d’un diagnostic ou d’une ordonnance ? Combien d’affection m’a été donnée pour une simple écoute ?

La vérité est que l’on se perd tellement dans les souffrances des autres. Ces douleurs qui vous envahissent, et que l’on doit combattre avec impuissance jusqu'à l'épuisement. J’ai toujours eu besoin de parenthèses pour me ressourcer. Parenthèses poétiques ou musicales.

(...)

Seul mon piano peut effacer les tristes souvenirs quotidiens. Ha, la musique ! Elle vous emmène loin des tourments. Elle vous transporte chez les Muses, là où l’on chante et où dansent les mots. Composer, jouer, écrire... voilà mon doux supplice entre deux parenthèses. Installé dans mon siège métallique, je contemple Plante-Folle, mon jardin vif des cendres du volcan, et j’aligne les mots dans ma tête :

Il est de courts chagrins comme des pleurs d'enfants

Qui passent comme l'ombre et comme la rosée ;

Il est de longues plaies où fermente le sang

Et qui navrent le cœur d'une étrange nausée.

La blessure à ton flanc jamais cicatrisée

A versé son venin dans ton cœur indolent,

Ô ma pauvre île, et t'a longtemps tyrannisée

De sa sourde douleur et de son mal brûlant !

Ô plaines de la mort de larmes arrosées,

Et vous frêles amours, en cendres déposées,

Quand donc revivrez-vous dans le jour renaissant ?

Déjà la lave enfin paisible, exorcisée,

Par des germes obscurs longtemps fertilisée,

A la sève encore pâle infuse un suc puissant !

Je suis Hippolyte de Reynal, fils d’Edouard et de Gabrielle. Ma femme Yvonne m’a donné neuf enfants. Tous ont grandi à Saint-Pierre au pied du monstre endormi. Mon jardin pousse sur les cendres de mes chers disparus. Je partage ma vie entre le vrai monde des souffrances humaines et celui des petits bonheurs de l’esprit.

Ubuntu, une nouvelle édition enrichie chez L'Harmattan. Pour en savoir plus ou commander chez l'éditeur, c'est ICI. Disponible dans les librairies des Antilles-Guyane, possibilité de commander sur les plateformes en ligne comme Fnac.comCultura.complacedeslibrairies.frdecitre.fr... ou Amazon.

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H
Une photo et un article profondément émouvants. Quelqu'un a fixé pour toujours un lien d'amour entre un père et son enfant et le tragique qui fait partie de la vie nous laisse, malgré tout, ce moment unique de bonheur...
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