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2 Novembre 2023
Voici une tribune de Edouard Tinaugus, à qui la Martinique doit le titre Unesco pour sa yole traditionnelle. Autant dire qu'en la matière, la parole d'Edouard compte...
Depuis quelques années, les associations de yoles utilisent une couche de fibre de carbone dans la construction de la yole, mât, bois dressés et vergue. Un article dans la revue Le Figaro nautique le souligne : « Pas de taquets, mais résine époxy et tissu carbone pour renforcer la structure ! ». En effet, plus les yoles de compétition gagnent en taille et en surface de voile, plus il est nécessaire de renforcer la structure de la coque afin d’éviter qu’elle ne vrille sous l’effort. Recouvrir la coque en bois de résine époxy, et de fibre de carbone, a été la solution trouvée par les constructeurs à ce problème. Comme le permet la Fédération des Yoles Rondes de la Martinique, la yole a été renforcée au niveau des membres et au fond, avec un peu de carbone, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Cette pratique a malheureusement des conséquences néfastes sur l'environnement et la santé des yoleurs et de la population.
En effet, certaines de ces yoles recouvertes de résine époxy et de fibres de carbone, sont abandonnées sur les rivages de Martinique où elles polluent notre environnement. Par ailleurs, la couche qui recouvre les coques des yoles en activités se dégrade lors de la navigation, libérant des micro-particules du fait d’une mauvaise utilisation de la fibre de carbone ; frottements, chocs et usinage. Des micro-particules qui sont cancérigènes.
Ces micro-particules libérées lors de l’application de la fibre de carbone durant la fabrication des yoles, mais aussi lors de leurs utilisations des yoles pendant les courses finissent par représenter un risque à la fois pour la santé humaine mais aussi pour l'écosystème marin.
Nous sommes donc face à une pollution visuelle, une pollution environnementale et un risque sanitaire.
Après le scandale du chlordécone, notre yole ne doit pas être complice d’un nouvel empoisonnement de notre environnement. Nous devons montrer l’exemple et préserver notre écosystème pour les générations à venir.
Si hier, la fibre de carbone était la solution pour la longévité et la rigidité de nos yoles, aujourd’hui, nous avons des solutions pour remplacer la fibre de carbone :
Jadis, les anciens ont maintenu de fort bel manière la culture traditionnelle de la yole face à la modernité. Aujourd’hui, cette culture doit continuer à se maintenir dans la tradition face au développement technologique.
L’utilisation de la fibre de carbone sur la coque de la yole, sur les mâts, sur la pagaie, sur la vergue et sur les bwa-dressés est un vrai problème et un danger pour les martiniquais et notre environnement.
Aujourd’hui, nous avons un choix à faire entre la santé et l’environnement d’un côté et de l’autre un produit polluant et dangereux dans son utilisation. Si la yole martiniquaise est un exemple en matière d’empreinte carbone, c’est un désastre sanitaire et écologique dans l’utilisation de la fibre de carbone.
Les anciens nous ont légué un savoir-faire avec un certain respect de la nature. De nos jours, nous mettons la vie des yoleurs en danger, nous polluons notre environnement et nous nous condamnons dans ce méfait volontairement avec l’utilisation de la fibre de carbone. Aujourd’hui, retirer la fibre de carbone progressivement du monde de la yole est vital. C’est de la responsabilité de la fédération de yole, des associations de yoles, des yoleurs, des sponsors, des élus, des institutions et de la population.
J’accuse... ! Un immobilise dans le « i bon kon sa ».
La fibre de carbone est un polymère qui, une fois tissé, crée un matériau très résistant et extrêmement léger. La fibre de carbone est :
En Martinique, il n’y a pas de filière de recyclage de la fibre de carbone, aucune filière de traitement des déchets n’existe à ce jour. Aujourd’hui, les déchets à base de fibre de carbone sont en très grande majorité dans la nature alors qu’ils ne sont absolument pas biodégradables.
Les fibres de carbone peuvent être dangereuses pour la santé. Elles peuvent être facilement inhalées et se déposer dans les poumons, ce qui peut entraîner des risques pulmonaires. Outre les risques pulmonaires, les fibres de carbone peuvent entraîner des allergies ainsi que de la dermite irritative. Les premiers cas d’allergie due au contact avec les poussières de fibres de carbone ont surtout été constatés dans les secteurs aéronautiques.
Pour prévenir ces dangers lors d’une exposition aux fibres de carbone, il est donc conseillé de porter un masque anti-poussière type P2, de porter une combinaison à manches longues, des bottes ainsi que des gants adaptés.
Edouard TINAUGUS