Idées, projets, vision... pour faire bouger le pays, les gens et les marques en Martinique et ailleurs...
29 Octobre 2010
Si tout se passe bien je serai sur la ligne de départ du marathon de New York dimanche 7 novembre 2010. Ce sera mon 5ème marathon, le tout premier ayant eu lieu en 2006, à New York. Les coureurs savent bien que "la première fois" est inoubliable, surtout quand ça se passe dans la Grande Pomme... J'ai retrouvé le récit de cette "première fois" dont je vous livre ici quelques extraits.
Le team Lestomak s’envole pour New York. Il est constitué de 16 coureurs, et d’autant d’accompagnateurs (...)
Dimanche, nous serons tous sur la ligne de départ du fameux marathon, pour lequel nous nous préparons depuis un an. Chaque semaine en effet, nous effectuons trois sorties de plus d’une heure en respectant scrupuleusement les consignes de notre coach. Ce programme sportif, doublé d'un régime alimentaire strict, nous a fait perdre nos kilos superflus. Pour la plupart d’entre nous il s’agit d’une première fois, et donc d’un vrai défi : jamais auparavant nous n’avions couru plus de 7 Kms d’affilé. Dimanche, nous devrons parcourir 42 Kms et 195 mètres ! Arriverons-nous au bout ? Et dans quel état ? Qui sera en tête ? Les pronostics vont bon train et placent E, M et JN sur le podium. Dans l'avion, nous échangeons nos dernières recettes et nos ultimes angoisses. La pression monte...
Big Apple. C’est le début de l’hiver et il fait déjà froid. Nous arrivons à l’hôtel en pleine nuit après un long périple (Fort de France - Pointe à Pitre - San Juan - New York) et plus de deux heures de retard. Nous sommes au cœur de Manhattan, à deux pas de Central Park, à l’angle de Lexington Avenue et de la 49ème. Notre hôtel est idéalement situé, mais ses quatre étoiles ne tiennent pas leurs promesses : les chambres et les salles de bain sont minuscules, et le décor, sous prétexte d'être zen et branché, est triste à mourir ; ce qui ne nous empêche pas d'apprécier notre première nuit.
Les dossards nous attendent au Javit Center, à près d'une heure de marche. C'est un immense espace commercial consacré au marathon et à ses 35.000 coureurs. Des centaines de stands exposent leurs articles et racolent les promeneurs. Nous y faisons quelques emplettes pendant que nos femmes arpentent le Musée d'Art Moderne (...)
Le grand jour approche. Il faut maintenir notre forme jusqu’au bout : petites foulées vers Central Park, notre dernier décrassage avant la grande course. Dimanche nous partirons couverts : bonnet de laine, gants, et plusieurs épaisseurs de vêtements que nous abandonnerons en chemin.
Samedi matin, veille du jour J, nos épouses participent à l'International Friendship Run de l'ONU, une course amicale de 6 Kms ouverte aux délégations étrangères, prélude au marathon. Pendant ce temps, je me repose et tente d'enrayer une rhinite persistante à grand coup de Tylenole et de Fervex.
C'est le grand jour. Nous voilà fin prêts : glycogène chargé à bloc, hydratation maximale et trouillomètre à zéro. Plus de 700 bus sont réquisitionnés pour conduire les coureurs à Staten Island, le point de départ. Nous sommes répartis dans des zones d'attente en fonction des couleurs de nos dossards. On dirait de vastes camps de réfugiés, chacun cherchant un bout de gazon où s'asseoir et s'étirer. Là, des camions UPS collectent nos sacs pour nous les rendre à l'arrivée. Les visages sont tendus. On se concentre sur les derniers préparatifs : vaseline sur les orteils et l'entrecuisse, pipi, double noeuds aux chaussures, pipi, deux comprimés de Tylenole, pipi, une dose de gel énergétique, échauffements, pipi... Puis nous prenons place dans la longue file de départ. Ultime attente. Il fait froid. On se réchauffe comme on peut en sautillant.
Le top est donné à 10h10, juste après l'hymne national américain. Ça y est, c'est parti ! Une foule immense s'élance sur le pont Verrazano sous les vivas hystériques des milliers de supporters. Les sirènes hurlent, les orchestres se déchaînent, les bateaux lâchent leurs gerbes multicolores, New York exulte, parce que nous courrons. Nous courons en chantant, bras levés, cœur joyeux. Mais au fil des kilomètres, notre ardeur festive diminue. La dure réalité des distances, et son cortège de douleurs prennent le dessus. Heureusement, le public est là et nous soutient sans faiblir. C'est incroyable ! Il nous porte, nous transcende, nous donne des ailes. Les policiers nous applaudissent, les pompiers, du haut de leurs camions, nous encouragent, la foule scande nos prénoms et nous tend les mains pour la claque. Personne ne doit abandonner. On dit qu'à New York, le marathon c'est 35.000 histoires : histoires farfelues des coureurs déguisés en rhinocéros, en bobby anglais ou en mariés ; histoires engagées des coureurs militant pour leur cause, leur église, leur association, leur armée ou leur drapeau ; histoires édifiantes des aveugles, des handicapés en béquilles, en chaise roulante ou en prothèses. Et puis celles des couples qui courent attachés, des copains qui restent unis quoiqu'il arrive, de ceux qui relèvent les défaillants... Des milliers d'histoires de courage, d'entraide et d'amitié.
Les kilomètres s'allongent lentement. Brooklyn, la 4ème avenue, puis le Queens... Les quartiers défilent mais le peloton reste compact ; il faut slalomer pour avancer. A l'approche des zones de ravitaillement, nous serrons les bords pour attraper un gobelet. Le sol est trempé et jonché de peaux de bananes. Attention, risque de glissade... Les enfants nous tendent des gâteaux et des bonbons que nous devons refuser. Au 25ème kilomètre, nous traversons le pont Queensboro vers Manhattan. Les jambes souffrent mais le coeur tient bon. J'ai suffisamment d'énergie pour accélérer un peu l'allure. Au 30ème kilomètre, les douleurs sont plus vives; elles gagnent les pieds. Ça fait 3 heures que nous martelons le bitume. Nous remontons la 1ère avenue vers le Bronx, puis redescendons vers Central Park dans une course interminable. Chacun donne tout ce qu'il lui reste, certains tombent brutalement, fauchés par les crampes, d'autres pleurent de douleur, tous maudissent cette foutue ligne qui ne cesse de reculer.
Nous franchissons l'arrivée sous des milliers d'applaudissements : "great job, hero ! Be proud, you did it..." Oui, j'ai fait New York, le plus beau marathon du monde ! Je suis épuisé mais heureux, comme tous mes compagnons de course.
Notre champion incontesté c'est E : 3h20, un temps record qui le place parmi les 2600èmes. Il est suivi de JN (3h45, magnifique !), puis de P (3h56) qui crée la surprise, et de moi-même (4h02). Viennent ensuite M, M, F, JF (bip bip), N (mention spéciale !), B (blessé au genou), V, E (ralentie par des désordres intestinaux), et L (bravo, L!). TD, N et JP ferment courageusement la marche après 7h de calvaire ! L'idée d'abandonner n'a effleuré personne. Nous l'avons tous fait ! Nous rentrons à l'hôtel à pieds, emballés dans nos couvertures d'aluminium. Les jambes sont raides et nous marchons comme des canards. Mais peu importe. Demain, nos noms seront publiés dans le New York Times...