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La semaine de la pub s'est déroulée au Laboratoire (rue de Bouloi) avec, pour commencer, une série de conférences réservées aux professionnels. Le thème central cette année est "La créativité peut-elle sauver le Monde ?". Nicolas Bordas, en Président consciencieux de l'AACC assiste à tous les débats, l'esprit aux aguets et le doigt sur Twitter...
La première conférence est intitulée "La créativité crée-t-elle le business ?". Elle est animée par Damien Gibelet (LCI), et voici ce que j'en ai retenu :
A priori, le lien entre créativité et business n’existe pas vraiment dans nos cultures cartésiennes françaises, contrairement à la culture anglo-saxonne qui elle, par pragmatisme, exploite plus naturellement l’innovation pour développer l‘activité. Nombreux sont chez nous les facteurs inhibants : le « oui mais » français par exemple constitue un frein majeur. L’innovation peut être même perçue comme un élément destructeur de business, parce qu’elle installerait un danger dans l’organisation. Autant de "murs protecteurs" propres à notre société, qui bloquent la créativité. Le benchmark est de ceux-là et nous remet toujours « dans la boîte » en empêchant l’expérimentation. La convergence des méthodes et des profils renforce également cette tendance craintive de systématisation des recettes éculées.
Curiosité et rigueur sont les deux qualités non négociables pour apprécier les collaborateurs créatifs. Et si le macro cadre français est frileux, on sent bien que des qualités créatives s’agitent dans les nouvelles générations, et ne demandent qu’à rafraichir les entreprises. A conditions que celles-ci remettent le plaisir, l’expérimentation, et l’amusement au centre de leurs valeurs managériales. Vive le droit à l’erreur, la dédramatisation de l’échec, le passage à l’action...
L’obsession du cours de bourse et des résultats financiers court terme détournent les chefs d’entreprises de leur rôle visionnaire et créatif. Ceux-ci doivent impérativement restaurer de la créativité dans leur business-model, et s’intéresser à la culture de l’insight. Car c’est dans les petits insights que résident les grands potentiels de rupture innovante. Et cette approche doit pousser à mieux comprendre l’homme qui se cache derrière le consommateur, à se rapprocher d’avantage du client, à établir avec lui des liens de partage et de co-création. Il n’y a d’ailleurs plus de place à la déception client, car la numérisation de cette déception aurait des conséquences désastreuses immédiates auprès de milliers de personnes.
Alors, comment envisager l’avenir ? D’abord ne pas chercher à faire de l’argent, car cette approche ne nous fait entrevoir que des recettes communes. Chercher plutôt des voies nouvelles dans les interstices et les zones floues, là où se cachent les pépites du futur. Et quand il y a norme, chercher la contre-norme. L’instantané et la vidéo, incarnés par les technologies de l’Internet sont aussi une grande tendance d’avenir, dans laquelle s’inscrivent déjà You Tube et Google. L’humain enfin (et depuis plusieurs siècles…), car c’est dans sa proximité que se trouvent les vrais insights.
La deuxième conférence est intitulée "Peut-on industrialiser la créativité ?", et est animée par Pierre Kupferman, La Tribune :
La machine peut-elle créer ? L’expérience en cours d’une machine dans laquelle on rentrerait une batterie de paramètres pour créer une campagne vient perturber la semaine de la pub et provoquer les professionnels de la communication. Cette expérience lance le débat sur la créativité. Une bonne idée peut-elle jaillir de paramètres objectifs ? Peut-on modéliser des paramètres subjectifs, perturbants et aléatoires, vrais garants d’idées neuves ?
Laurent Habib (Havas) nous rappelle que la publicité est une organisation « industrielle » qui favorise l’émergence des idées. Le créatif est partie prenante d’un système. Il est magnifié par l’organisation de l’agence qui garantit le caractère collectif de l’œuvre. Quelque soit le talent du créatif, celui-ci ne doit jamais être considéré comme le seul créateur mais s’inscrire dans un processus itératif « individuel-collectif ». Contrairement aux idées reçues, la créativité n’a pas peur de l’organisation, mais du manque de courage. Une organisation qui manque de courage détruit mécaniquement la créativité des individus. L’organisation gagnante est en mouvement perpétuel. Elle refuse la norme, recrute des regards différents, et compose avec des univers diversifiés. En résumé, il ressort que la publicité parvient à combiner deux concepts a priori inconciliables : l’industrialisation au travers d’une organisation métier, et la créativité individuelle inscrite dans un processus collectif. Et tout l’enjeu de cette industrie est bien de produire du « non-standard »…
La troisième conférence a pour thème : Les nouvelles « classes créatives ». Elle est animée par Cathy Leitus, de Stratégie :
La « classe créative » est celle qui est engagée dans les processus de création et est ouverte aux innovations. Elle puise ses effectifs dans le gros de la classe moyenne urbaine et correspond à des catégories diversifiées d’individus. On y retrouve pêle-mêle des journalistes, publicitaires, architectes, artistes, professions libérales, designers, bloggeurs… et d’une manière plus large les individus qui se sentent responsables du devenir de la société, et qui envisagent d’en changer le modèle. Le productivisme et le consumérisme sont désormais remis en cause au profit d’une nouvelle économie innovante. L’élitisme est abandonnée au profit d’une intelligence collective de réseau et de partage. Notre monde contradictoire de « société d’individus » se transforme en « société collective ». Un monde que les réseaux sociaux viennent révolutionner, en jouant sur le partage et l’ouverture, et en s’appuyant sur les communautés pour innover à grande vitesse. Un monde qui s’oriente vers une nouvelle économie de la contribution et qui risque bien de transformer le troupeau en berger… Le temps est venu où les entreprises privées s’emparent de sujets citoyens destinés à « changer le monde », sujets jusque-là réservés au Politique.