Idées, projets, vision... pour faire bouger le pays, les gens et les marques en Martinique et ailleurs...
Les nouvelles technologies influencent les comportements, et permettent à de nouveaux concepts stratégiques d'émerger. Parmi ceux-ci, le Media-Arts, nouvelle approche modélisée par l'agence TBWA, qui pousse à accroitre la diffusion des idées et la réplication des messages. Le buzz stratégique, en quelque sorte. Qui mieux que Nicolas Bordas pouvait en parler ?
Beaucoup a été écrit sur le buzz. Mais il est frappant de constater à quel point l’idée qui domine encore en France est celle d’un buzz comme conséquence du plan de communication, et non du buzz comme composante du mix média. Pour beaucoup, le buzz est «un truc en plus», un peu comme autrefois les Relations Presse ou les Relations Publiques, qui venaient comme « une opportunité supplémentaire » après l’événement.
Même si l'effet du buzz se mesure à postériori, il semble impératif de rappeler une vérité simple et de bon sens : les marques doivent semer au bon moment pour récolter. Et la récolte sera d’autant plus productive que les ingrédients du buzz auront été intégrés dès le départ comme composantes du mix media. Le fait que vous connaissiez tout de l’iPad avant même que sa publicité ne commence, ne tient pas du miracle : c’est une composante à part entière du scenario media d’Apple, au cœur duquel se trouvent les fameuses interventions de Steve Jobs. L’Internet en démultipliant la puissance du bouche à oreille et en disséminant les idées beaucoup plus vite, a profondément transformé la capacité qu’ont aujourd’huiles marques, non seulement de communiquer, mais d’ENGAGER, au sens d’enrôlement, leur audience. Et l’engagement, par définition, ça se produit au départ !
C’est au nom de ce constat que TBWA a développé pour ses grands clients mondiaux (comme Apple, Absolut, Nissan, Mars, Michelin ou McDonald’s... ), une approche appelée Media
Arts, qui vise à démultiplier la valeur d’une idée par l’usage pertinent de tous les médias, incluant de manière centrale le «earned media» : les médias que l’on gagne, autrement dit, le buzz. C’est ainsi qu’est née par exemple, l’idée du Pepsi Refresh Project, une dotation mensuelle de 1,2
millions de dollars pour les projets d’intérêt général votés par les internautes. Une idée dont le buzz est partie intégrante, puisqu’il faut commencer par voter pour les
projets !
Il est temps de mettre fin à une vision trop binaire des médias. En effet, la tendance, naturellement simplificatrice des « marketers », a toujours consisté à vouloir séparer les medias en deux : « Above the line-Below the line » au siècle dernier, « Off Line et On line » aujourd’hui. Ces segmentations ne sont pas fausses, mais beaucoup trop grossières pour être applicables à des marques devenues elles-mêmes média, qui doivent optimiser les messages qu’elles produisent à 360 degrés (sur tous les canaux), 365 jours par an, et considérer désormais leurs clients comme leur premier média.
La nouvelle approche «Media Arts», est fondée sur une segmentation qui comprend 4 types de média, dont le quatrième est le buzz. Cette segmentation comprend :
1) les médias que l’on possède (owned media),
2) les médias que l’on achète (bought media),
3) les médias que l’on se créé (created media),
4) les médias que l’on « gagne » (earned media).
La grande innovation de ce modèle de pensée, au-delà de l’idée qu’un média peut-être désormais créé par les marques, est l’intégration du « earned media », donc du buzz, comme une composante du mix, et non simplement comme sa résultante. Cette démarche présente aussi l’intérêt, par son exhaustivité, de mieux prendre en compte une dimension souvent sous estimée dans les plans-medias (qui concernent en général les médias que l’on achète) : je veux parler des médias que l’on possède. Tout émetteur, et donc toute marque possède des médias en propre qu’il peut mieux utiliser pour véhiculer son message : à minima, son packaging, son merchandising, éventuellement son point de ventes, toujours son site internet, et parfois un porte-parole. Il est temps de redonner sens à une évidence : les médias qu’une marque possède sont de loin les plus importants car ils ne se contentent pas de communiquer un message, mais une expérience de marque. C’est ce que démontre brillamment Apple au travers des Apple Stores par exemple.
Les médias que l’on achète (TV, Radio, Cinéma, Presse, Affichage, Internet), sont indispensables mais coûteux. Ils doivent donc être analysés et recommandés dans une logique de complémentarité aux autres types de médias, qui sont par définition plus économiques. La logique de « Media Arts » s’applique aussi aux médias traditionnels que l’on achète, l’enjeu devenant un usage du média aussi créatif que le message lui-même.
Le troisième type de média est aujourd’hui le plus mal compris et le plus mal utilisé, à l’exception de quelques "megabrands" de soft drink, d’articles de sport ou de mobilier Suédois qui alimentent largement la blogosphère de leurs initiatives. Il s’agit des médias que l’on se crée soit même, de manière unique et spécifique. A l’exemple de l’opération « Replay » de Gatorade (un match événementiel rejoué 15 ans après) qui a été largement couronné à Cannes cette année, ou de la création d’un média qui n’existait pas par Nissan Qashqai dans les tunnels du métro. Il peut s’agir de médias créés ponctuellement, ou durablement : avec Goom Radio, par exemple, un certain nombre de marques, comme la SNCF, se créent aujourd’hui leur propre radio, de manière permanente. Les médias que l’on se créent peuvent d’ailleurs devenir ultérieurement des médias que l’on possède.
Mais l’enjeu d’aujourd’hui, ce sont les médias que l’on gagne (earned media), non seulement pour leur force de démultiplication à faible coût, mais aussi et surtout, parce qu’ils «passent par l’humain». Ce ne sont pas des médias comme les autres, ce ne sont pas des «supports» matériels : ce sont des personnes, qu’il s’agisse de journalistes, de leaders d’opinion, de prescripteurs ou de consommateurs ambassadeurs. Pour une marque, investir ce relais, c’est d’abord s’occuper de ses clients ! Cette dimension inclusive du client comme partie intégrante du système de communication de la marque est probablement la plus grande révolution culturelle amenée au marketing par Internet. C’est un changement de paradigme ! Le client n’est plus à l’extérieur de l’entreprise, mais à l’intérieur, de son côté (s’il le veut bien). Avec le risque (mais n’est-ce pas plutôt une opportunité ?) qu’il devienne plus exigeant, mieux informé et plus critique sur l’entreprise et ses marques. Raison de plus pour bien le traiter ! Considérer ses clients comme une audience, est une manière de mieux les respecter.
Dans un monde où les marques doivent apprendre «à s’intégrer au flux, et non à l’interrompre», il devient urgent de considérer que le buzz n’est pas le dernier des médias, mais le tout premier, comme il l’a toujours été.
Nicolas BORDAS - août 2010