11 Mai 2024
Pourquoi est-il si difficile de (se) parler aux Antilles ? C'était le thème de notre rencontre-débat avec Jeanne Wiltord ce vendredi 10 mai rue Daguerre à Paris, à l'initiative d'Aurore Holmes, présidente de l'association Expressions Plurielles.
Les échanges ont été fructueux avec un public nombreux et passionné.
Après un état des lieux « psychologique », Jeanne nous a proposé une brillante analyse des blocages de communication issus de la période esclavagiste. Elle nous a rappelé que c’est bien la parole qui distingue l’homme de l’animal, et que la co-construction rapide d’une nouvelle langue, le créole, a permis aux esclaves de résister à l’œuvre de déshumanisation dont ils étaient victimes.
Pour ma part, j’ai abordé les expériences tentées aux Antilles, réussies pour certaines, vaines pour d'autres, en faisant la part entre le dialogue inter-personnel qui fonctionne bien et le dialogue collectif qui est en panne, prisonnier des postures idéologiques et des représentations sociales. Et oui, le fonds de commerce politique a besoin que persistent des antagonismes entre groupes socio-ethniques : on mobilise toujours mieux un camp contre un autre !
La soirée s'est prolongée tard sur la question obsédante des békés : que de mythes, que de clichés, que d'interrogations... Mais la parole était ouverte, et on a parlé librement sans langue de bois, sans hypocrisie, sans calcul. On a apprécié les nombreuses interventions pertinentes de l'assistance. Il faut dire que le public était d'une qualité exceptionnelle !
C'était une bien belle soirée d’Expressions Plurielles en somme, riche en vérités et en émotions !
Jeanne Wiltord est docteur en psychiatrie, psychanalyste et autrice de plusieurs ouvrages comprenant des analyses sociologiques concernant les Antilles dont « Lacan aux Antilles : Entretiens psychanalytiques à Fort-de-France » (co-autrice avec Charles Melman) et « Une journée avec Edouard Glissant : Samedi 23 juin 2007 à Paris » (co-autrice avec E. Glissant et autres auteurs)